Huit clos

Le cercle familial est un formidable huit-clos dont seuls les membres de la famille sont les détenteurs du système, du fonctionnement interne, des liens tissés entre chacun, des loyautés inconscientes et des lois du clan. Les lois qui régissent la famille ont un accord tacite avec la société, ils sont étroitement liés afin d’en assurer la bonne marche et éviter le chaos.

 

Mais les lois de la famille ont un pouvoir bien plus immense encore que toutes les lois établies par la société : le pouvoir du silence, la loi du non-dit, ce qui se passe dans les murs de cette maison ne doit pas en sortir au risque d’en être exclu. Et l’exclusion, pour l’homme, est synonyme de mort. Le cerveau reptilien a enregistré depuis des millénaires : vivre en groupe pour survivre, le nombre fait la force, vivre seul c’est mourir.

 

De cette programmation ancestrale découlent certaines lois qui façonnent l’individu et le conditionne dans une obligation, celle d’accepter les contraintes de son groupe d’appartenance.

 

Le système familial fonctionne un peu comme un orchestre : il faut un chef pour donner le ton, chaque instrument suit sa partition pour que la musique soit audible et cohérente.

Dans l’orchestre, si le chef ne mène pas le bon tempo, si un musicien est malade et n’est pas remplacé, si un instrument est mal accordé, alors l’orchestre ne s’harmonise plus, il n’a plus raison d’être et la musique sombre dans le silence.

 

Dans la famille aussi il faut un chef pour mener la cadence et faire en sorte de tenir la cohérence. Et c’est ainsi que le secret se créée : pour maintenir l’équilibre, certains membres cachent, dissimulent ce qui ne peut être dit par peur de déstabiliser le système familial.

 

Si un drame se passe, on le tait, on le terre dans les entrailles de la famille en espérant que le temps face l’oubli (mais le temps n’efface rien). Si un membre a fauté  (viol, inceste, vole), on règle la faute en famille, tout le monde le sait mais personne ne dit rien. Si un drame existentiel se produit, un mort prématuré, un enfant tué, une mort injustifiée, injustifiable, on cache le deuil, on ne montre pas sa douleur.

 

On ne donne pas la parole à ce qui fait mal, on dissimule, on en fait un secret.

 

Les émotions sont alors refoulées au plus profond de chaque être, l’émotionnel n’a pas sa place, le secret se congestionne et continue son chemin le long de l’arbre jusqu’au point de rupture où, trop contenu, le secret ne peut faire autrement que d’éclater.

Chaque famille possède ses secrets et ce n’est pas la gravité de l’objet caché qui pèsera mais l’émotionnel refoulé et la façon dont chacun viendra rééquilibrer le non-dit pour la survie du clan.

 

Pour Serge Tisseron, psychanalyste, « l’important ne réside jamais dans le secret lui-même, mais dans les multiples stratégies mises en place par les générations suivantes pour s’en accommoder. »

 

Ce huit-clos familial génère des secrets entretenus au fils des générations dans une mise en scène inconsciente et pesante.

Jusqu’à ce que ce soit trop lourd à porter, et l’un des membres se sentira guider par l’invisible nécessité de lever le secret pour le réparer et le libérer de sa course à travers les générations.

 

Tout le bénéfice d’un travail en psychogénéalogie sera donc de parvenir à la prise de conscience de ce qui a généré les non-dits, les secrets, pour les remettre à leur juste place afin de s’en affranchir.

 

Et ainsi vivre pleinement son être authentique en harmonie avec sa généalogie !

Caroline Bablon